La Lozère à VTT

La Lozère est séparée en 4 espaces géographiques : La Margeride au nord, l’Aubrac à l’ouest, une partie des Cévennes au sud-est et les Causses au sud-ouest. Même si on ignore la position de ces lieux sur une carte, leurs noms résonnent comme des espaces préservés et propices au voyage. Avec plus de 40 % de forêts et plus de 30 % de pâturages il y a de quoi faire !

Voilà plusieurs années que j’envisage de parcourir ces contrées à VTT, mais je suis contraint de rebrousser chemin à cause des prévisions météo exécrables. Cette fois, la météo s’annonce excellente ! La veille du départ, je pose mon fourgon à Nasbinals sous un ciel étoilé, avec un brin d’excitation et la joie de repartir pour une nouvelle aventure en solitaire.

Le lendemain, j’ouvre les yeux à l’aube, prêt à en découdre. Un temps maussade s’est installé : vent frais, nuages bas, bruine. La météo s’est elle trompée ? J’enfourche mon VTT avec un peu moins d’enthousiasme mais, dès la sortie de Nasbinals, les paysages, composés de vastes étendues herbeuses jaunes, de roches, de sentiers bordés de murets en pierres sèches et de ruisseaux, m’émerveillent. Les nuages bas donnent presque un air d’Écosse, sans les douches que nous avions essuyées là bas en 2018…

Je fais d’abord un détour par le pont de Marchastel, puis par la cascade du Déroc. J’emprunte ensuite la petite route D52 jusqu’au Buron de la Treille. De là, je tourne à droite sur une piste jusqu’au refuge des Rajas, puis après le relais des lacs, je poursuis sur le GR60. Les travaux forestiers ont ravagés quelques portions de sentier et je suis péniblement le chemin jusqu’à Chirac. Après une pause repas sur un banc qui s’est présenté juste pour l’heure du picnic, le soleil fait son apparition. Le profil est plutôt descendant jusqu’au petit village des Salelles, en bord de N88, mais où le calme règne en maître. S’en suit une montée au pentes exponentielles pour remonter sur le plateau, les mollets rouges vifs ! J’envisage de planter ma tente dans cette zone, mais je tombe sur une compétition de motocross, dont le niveau sonore est aux antipodes du calme recherché ! Je décide de poursuivre, d’autant plus que le secteur est agréable. J’établis finalement mon bivouac entre les hameaux de La Nojarède et de Freyssinel. Pour être clair : au milieu de nul part !

La 2ème journée m’amène bien des surprises. Les ravitaillements étant assez limités et ayant visé le paquetage le moins volumineux possible, je suis limité en nourriture. Pour la première fois, je pars sans réchaud et de nouvelles habitudes sont à prendre. Sans le savoir, je monte en selle avec un petit déjeuner bien trop léger pour attaquer les dénivelés à venir… Je passe par Saint-Etienne-du-Valdonnez, mais le village est désert en ce dimanche, alors je prends directement la montée en direction du hameaux des Laubies. Les quelques lacets et portions cassantes jusqu’à la Fage suffisent à vider mon énergie, le corps ne répond plus. Je réalise rapidement que je dois m’alimenter, mais le mal est fait. Dans des paysages superbes et avec des points de vue exceptionnels, je poursuis péniblement la montée jusqu’au hameau des Laubies, puis jusqu’à l’étang de Barrandon. Midi est à peine passé que je ne pense qu’à établir mon bivouac jusqu’au lendemain… Mais arrivé à l’étang, c’est festival de pêche et bivouac interdit ! Des dizaines de pêcheurs côte à côte autour de l’étang, les barbecues, les bières qui coulent à flot ! Il faut voir le côté positif, alors j’essaye d’acheter une grillade et une binouze, mais visiblement les véhicules remplis de nourriture ne suffiront pas à remplir les protubérances de tout le monde…

Après une bonne sieste, éloigné du tumulte, il me semble que je retrouve quelques forces. Je remonte en selle, en direction du Mont Lozère. Une piste d’abord difficile laisse place à un beau sentier puis à une piste. Le profil est montant mais les paysages de plus en plus exceptionnels. Je trouve un second souffle, les mollets redeviennent légers. J’avale les kilomètres dans l’euphorie, sans comprendre vraiment quoi, à part la beauté des lieux, me pousse à avancer. L’accès au sommet du Mont Lozère est interdit au vélos. C’est assez frustrant mais la végétation est fragile alors il faut accepter de sacrifier un peu de plaisir personnel pour la préserver. Arrivé au col de Finiels, je continue plein Est sur une piste magnifique, en recherchant un bivouac. Finalement, sur la descente en direction du col du pré de la Dame, je tombe sur le petit refuge du col de l’Aigle, dont j’ignorais l’existence. Bien heureux, je pose mes sacoches pour une nuit en solitaire, enfin presque… 2 loirs ont élu domicile et courent une bonne partie de la nuit sur les poutres au dessus de mon duvet.

3ème étape : Le soleil est au beau fixe. Après le col du pré de la Dame et la station nature du Mas de la Barque, j’emprunte successivement des pistes et des petites routes jusqu’à Pont de Montvert (village connu comme un des points de passage du chemin de Stevenson). Les vues sur la nature et les hameaux en pierres sont grandioses. Encore un coin de France époustouflant ! Après un arrêt ravitaillement, je me dirige vers le sud par une route très étroite avant de m’engager sur des sentiers plus ou moins praticables en direction du col de la Planète. Quelques marcheurs me regardent d’un air dubitatif alors que je m’arque-boute sur les pédales pour gravir les pentes prononcées. Une longue descente au final abrupt m’amène jusqu’à l’ancienne gare de Cassagnas ou je m’arrête pour faire refroidir les freins et boire une bière avant de repartir vers Barre des Cévennes via le GR72. Sur les hauteurs, après m’être fait mitraillé par les taons dans les sous-bois, je croise un couple qui peine à faire avancer un âne borné, loué pour porter les bagages le long du chemin. Cette anecdote me rappelle que même si ma monture est parfois difficile à faire avancer, cela ne dépend que de mes propres décisions et de mon état de forme… Je termine tranquillement l’étape jusqu’au camping de Vébron en passant par le col des Faïsses (pour ceux comme moi que cela fait sourire, les Faïsses sont des structures rocheuses, et non pas graisseuses !). La douche est toujours aussi agréable après 3 jours à vadrouiller dans la nature.

Au petit matin, le ciel est voilé mais l’air agréable. Je quitte Vébron par une petite route sinueuse permettant de sortir des gorges pour atteindre le plateau. Dans le silence, les rapaces enroulent les thermiques matinaux et les moutons broutent paisiblement. Le paysage change ensuite brusquement avec le retour des landes et pâturages ou émergent de nombreux rochers. Les distances s’allongent. Entre les hameaux sans vie, je traverse de grandes étendues désertes sur des pistes et GR. Seule une légère brise agite l’atmosphère. Dans certaines zones, les pistes peu empruntées s’estompent, ce qui m’impose de lire le relief pour retrouver les portions plus visibles. Je m’arrête pour quelques instants de contemplation, le sourire aux lèvres. Ce sont ces instants que je suis venu chercher. L’agitation revient brusquement à l’approche des gorges du Tarn, où la végétation est verdoyante et les pentes vertigineuses. Je pensais laisser les lacets du col de Saint-Rome-de-Dolan pour le lendemain mais la chaleur est étouffante et je décide de poursuivre jusqu’au Point Sublime pour retrouver un peu d’air frais. Après 1850m de dénivelé positif, le final m’offre un super point de vue et je m’assois en terrasse pour manger une glace en guise de récompense. Je m’installe au camping, sans regret car il est vide malgré un emplacement privilégié.

5ème jour, encore une belle journée s’annonce ! Je rejoins le cirque de Saint-Saturnin, avec son château au cœur du village. Je traverse l’ A75 après un beau « casse pattes » jusqu’au hameau de La Fagette puis je me retrouve face à une route barrée avant de redescendre sur Saint-Laurent-d’Olt. Je questionne un agriculteur qui sort de chez lui à ce moment-là, bien sympathique, mais qui ne sait pas si la route est praticable à vélo. Il me conseille de contourner par l’Ouest. Je suis ses conseils même si l’expérience m’incite à la méfiance. C’est finalement une bonne idée car les routes sont agréables et le détour assez court. Il est tout juste 10h lorsque je traverse le Lot. La remontée sur le versant nord jusqu’à Nogardel puis vers le GR6 est terrible avec des pentes importantes et discontinues. J’arrive vers midi sur la crête qui sépare la Lozère et l’Aveyron, et offre des vues panoramiques aux alentours. Le tracé emprunte le circuit des croix : de Bosse, de Daoudou, du Pal, de las Places, etc. Par téléphone, Mélodie m’indique le gîte de « la combe au cerf » au hameau de Noubloux. Il faut faire un détour mais c’est l’occasion de profiter d’un peu de confort et d’un excellent repas fait maison.

6ème et dernier jour de la boucle, qui se termine en beauté. Je remonte par la route jusqu’à Trélans pour retrouver le GR6 en direction du signal le Mailhebiau (plus haut sommet des monts d’Aubrac à 1469m). La piste alterne des passages roulants avec quelques portages assez courts pour franchir des rochers. Le paysage s’ouvre sur d’immenses pâturages ou quelques burons isolés subsistent encore. A l’apogée de leur utilisation, vers 1945-1950, il y avait près de 260 burons en activité (abris de berger en pierres, destinés à la fabrication du fromage et de l’aligot). Aujourd’hui ils ne sont plus que quelques uns, majoritairement reconvertis pour le tourisme. C’est essentiellement l’exode rural des Lozériens, notamment vers Paris, qui explique la baisse de densité de la population et l’abandon des burons. Arrivé à la tourbière de Montorzier, je bifurque sur le GR670. C’est une partie de la 3ème étape du chemin de Saint-Guilhem (voie de transhumance et de pèlerinage). Le sentier franchit le magnifique ruisseau de Place Naltes avant de rejoindre la route de Nasbinals. Je m’offre un dernier détour, toujours par le GR670, après le lac des Salhiens, pour rejoindre mon fourgon.

Ce périple en Lozère valait vraiment d’attendre des conditions clémentes pour en profiter. Avec moins de 15 hab/km² et en cette fin de saison, c’était un régal pour le voyageur en quette de dépaysement proche de la maison. A part quelques lieux fréquentés modérément par les marcheurs à cette période, on se sent rapidement « seul au monde ». La diversité des paysages sur un périmètre assez réduit est vraiment impressionnante : des sommets, des plateaux, des prairies étendues, des gorges, etc. Ça serait vraiment un plaisir d’y retourner mais pour 2024, la prochaine aventure solitaire s’annonce assez « atypique » !

Travelmap : https://melopierre28.travelmap.net/lozere-2023

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